Notes scénographiques pour le Pavillon Mazar

Le PAVILLON MAZAR : une riche contrainte.

Pendant que le Pavillon Mazar par son architecture convoque le rassemblement, sa cour et son pourtour invitent à en faire le tour (le nez en l’air). De même que jadis ses belles arcades régulières invitaient certainement le chaland à y pénétrer pour s’abriter ou commercer (avant qu’elles ne se referment pour préserver jalousement un centre à découvrir).

L’architecture du Pavillon Mazar a le pouvoir de rassembler. Quel bel atout pour le théâtre !

Regardons-le du point de vue du théâtre justement : le lieu Mazar a la particularité de tenir plus du Dojo[1] que de la salle de spectacle telle qu’on l’envisage couramment. Pas de scène, pas de salle, un espace de jeu au milieu de bancs qui l’entourent. Cette scénographie intime si particulière met littéralement l’acteur aux abois du public. Le public se regarde regarder et le combat y est plus clair que jamais entre l’acteur et son public. Mazar propose en quelque sorte une scène pour l’art martial de l’acteur.

« Le Pavillon Mazar n’est pas sans rappeler les structures des théâtres élisabéthains du centre londonien où le public était invité à entourer la scène (comme il entourait précédemment les combats d’animaux dans les arènes) ».

L’espace Mazar : une transmission de fait

Les salles de spectacle actuelles proposent de manière quasiment exclusive une vision frontale. Pragmatisme de la rentabilité, du tout vu et du rien loupé, cette dictature des salles frontales a lentement mais surement formaté un spectateur cliniquement distancié, le préparant insidieusement à l’envahissement des écrans. Conséquence : le corps de l’acteur s’éloigne, s’abime dans les artifices des immenses plateaux, se désincarne. Le choix de la compagnie « Groupe Merci » est au contraire de densifier cette rencontre, de se rapprocher par la scénographie des acteurs, de vivre les gros plans dans ce présent du jeu du théâtre. Mais n’est-ce pas là justement un des derniers privilèges du spectacle vivant, ce trouble du corps présent de l’acteur, de la matérialité de la scène ?

Ainsi repensée, la question de la distance à la représentation a été un leitmotiv des spectacles du Groupe Merci. Par cela et grâce à la complicité scénographique du Pavillon Mazar, le Groupe Merci transmet ce questionnement et induit cette responsabilité politique.

Nous avons depuis 18 ans une belle expérience de mise en scène dans Mazar. 7 années dans le lieu dépouillé (suite à la démolition du locataire précèdent) et donc 11 années dans l’état actuel, suite à nos aménagements de 2005. Le dialogue entre les textes d’auteurs, la scénographie dramaturgique de nos spectacles et l’architecture du Pavillon Mazar a ainsi pu être exploré dans maints sens. Le théâtre que nous y avons fabriqué peut être qualifié de « théâtre immersif » en ce qu’il plonge le spectateur au cœur du dispositif scénique.

Dans le Pavillon Mazar, demain

Il s’avère néanmoins que le lieu offrirait plus de possibilités en rendant mobile la rambarde, offrant une vision du volume, du lieu, de sa hauteur et des deux points de vues (haut et bas) dans le même champ de vision.

Nous espérons en retravaillant sur ce lieu permettre l’amplitude maximum en matière de scénographie. Nous imaginons les spectateurs en haut dominant la scène et inversement, et des combinaisons des deux regards.

Le Pavillon Mazar permet des surprises, des stratégies, des transformations, des chocs où le bâtiment s’affirme toujours comme un acteur garantissant ce lien au réel (à l’inverse de la boite noire).

Nous finirons en qualifiant le Pavillon Mazar de « complice malicieux » pour qui veut jouer, bouffonner, rire de nos tourments : un bel allié pour le Théâtre.

Joël Fesel

[1] Le DOJO : en japonais Do signifie la voie, le Dojo est le lieu où l’on étudie/cherche la voie.